Le Jeu de l’Homme Libre

« Tout homme, à un moment de sa vie, va perdre une bataille. Il va se battre, et il va perdre. Mais ce qui en fait un homme est le fait que, au milieu de cette bataille, il ne se perde pas lui-même ». Coach Carter, Friday Night Light.

Un espace, le Texas.
Une ville, Dillon.
Une équipe, Les Panthers.
Une Devise « Regard lucide, coeur vaillant ne peuvent pas perdre ! »
Voilà le décor planté d’une série américaine, Friday Night Light, produite entre 2006 et 2011. Le football américain est la trame où viennent se tisser les relations humaines de la série.

C’est en observant le coach principal, les coordinateurs et les joueurs regarder, discuter autour du « Play book » que l’on se dit que le coaching du football européen est totalement différent. On ne verra jamais au football européen un joueur annoncer la combinaison à jouer pour la sortie du ballon ! Bien sur, il y a des plans, de la tactique, des postes pourtant cela n’a rien à voir avec le football américain où tout est noté. Chaque mouvement est étudié, chaque vitesse est travaillée.  Il ne reste plus à chacun de réaliser parfaitement le dit mouvement.

Est ce la tendance du football à venir avec des cahiers de combinaisons pour les différentes situations de jeu ?
Bien sûr, tous les ballons arrêtés sont un prétexte pour l’élaboration de ce type de schéma. On voit par ailleurs des dispositifs tactiques jouant essentiellement cette phase de jeu. L’accumulation de match « haché » dans le football professionnel est un signe de la progression de cette tendance.

Pourtant, il y a plusieurs facteurs qui permettent à ce sport d’être le théâtre du combat de ce siècle : Le moderne contre le romantique.

« Le romantisme , …, fut une réaction radicale puissante contre le mécanisme, le machinisme, l’industrialisme, le cartésianisme qui envahirent tous les espaces du 19eme siècle et qui, ensuite, empoisonnèrent tous ceux du 20eme siècle. » Marc Halévy, éloge du romantisme.
Le poème « El fin del partido », d’ Eduardo Galeano, poète uruguayen, nous éclaire de la douce lumière du romantisme social sud américain.

 

Pour les non hispanophones, voici un morceau traduit :
« Un journaliste a demandé à Dorothee Solle, théologienne allemande : Comment expliqueriez-vous à un enfant ce que c’est le bonheur ? Elle répondit : « Je ne lui expliquerai pas, je lui jetterai une balle pour jouer. »

Le football professionnel fait de son mieux pour castrer cette énergie du bonheur, mais elle survit, malgré toute la douleur. C’est peut-être pourquoi il arrive que le football peut être incroyable. Comme mon ami Angel Ruocco le dit, la meilleure chose qu’il a : sa capacité obstinée de surprises. Malgré les technocrates qui le programment dans les moindres détails, malgré les puissants qui le manipulent, le football continue de vouloir être l’art de l’inattendu. »

Quels sont ces facteurs ?

Le footballeur de champs n’a pas de prise sur le ballon. Il peut l’amortir, la contrôler, la tripoter, la pousser, la jongler, la frapper… la passer. Mais il ne pourra jamais la prendre, la tenir. La possession ne peut-être que collective.
L’homme libre sait que rien ne se prend, rien ne se tient. Tout se perd.

En aparté, le futur du gardien se joue sur ce point : sa participation au jeu. Sa capacité à venir dans l’espace où le ballon ne se tient plus !

L’espace de jeu est complètement ouvert à l’intérieur des limites du terrain. Le jeu peut se développer dans tous les sens du terrain.
L’homme libre connait ses limites mais il n’a pas de frontières.

Et enfin. Pas de temps imparti sur les actions. L’homme libre vit l’instant et il agit dans le temps librement.

Sur ces trois points, il est intéressant de constater que le hockey sur gazon est le sport qui a le plus de similitude avec le football.. Ce n’est pas un hasard si Horst Wein, connu des lecteurs de ce blog, vient de la pratique de ce sport. On trouve également Ariel Holan, entraineur de hockey, qui est devenu dans un premier temps entraineur de l’équipe de football argentine Justicia y Défensa et aujourd’hui celui de C.A Independencia.

Rechercher l’homme libre est une notion essentielle du football. Un homme, un joueur a symbolisé ce concept pour toute une génération. Johann Cruyff. Le footballeur total. Le Hollandais Volant.

Retenons ici l’anecdote suivante. Il n’avait aucun diplôme d’entraineur. Pour pouvoir entrainer, il inventa le poste de directeur technique. Une grève des entraineurs espagnoles eu lieu en 1988.

https://elpais.com/diario/1988/09/25/deportes/591141608_850215.html

Guardiola, Lopetegui, Eusebio, Oscar Garcia, Valverde…Liste non exhaustive d’entraineurs influencés directement par Johann Cruyff. Au total 37 joueurs, ayant été entrainés par lui, sont devenus entraineurs. Un joli contre-pied donné à la fédération de football espagnol.

Mais, alors, comment pourrait-on définir liberté ?

« Ce mot de Liberté n’évoque plus guère d’écho dans nos oreilles assommées de confort douillet et de satiété repue.
Ce n’est donc plus de Liberté qu’il faut parler : elle n’est plus un enjeu contemporain.
 
Si sursaut de dignité il doit y avoir, ce sera celui de la quête d’autonomie.
Quête concrète, pragmatique, quotidienne, loin des discours philosophiques ou des idéaux ampoulés.
Être autonome : être sa propre norme, être son propre projet, être soi par soi et en soi.
Être autonome : se libérer de toutes les dépendances, de tous les assistanats dont nos démagogies ambiantes nous gavent jusqu’à la nausée.
Se réapproprier sa propre vie et s’assumer soi-même. Se prendre en charge et s’auto-responsabiliser. Le discours est banal, mais la quête est ardue. »
Marc Halévy, au-delà de la liberté, l’autonomie. Billlet du 20 décembre 2003.

Le mot est lâché. Autonomie. Rendre le joueur autonome, s’auto-responsabiliser dans la création du jeu. Un éducateur, François Keiffer, a mis au point une méthode, la MPP (Méthode Plaisir et Performance), où avec un jeu de question et réponse l’enfant redevient l’acteur de sa propre formation.

Sur la vidéo partagée, vous trouverez à la 6:50 minute la réaction d’un enfant qui résume, concentre tout le sens d’une formation. Une formation où le projet est l’autonomie de chaque joueur.

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