Pour le football que vous avez joué.

 

Il a cette capacité à rapprocher les lointains et à éloigner les proches. On pourrait penser que nous sommes en train de parler d’un des concepts du célèbre jeu de position mais nous ne parlions que du web.
Car c’est par ce moyen que nous tenons à remercier Ruben Rossi de nous avoir accordé son droit de traduction ainsi que la publication de son merveilleux « Essai sur les habitudes ».

Comme un cri d’alarme lancé à la face du football Argentin, ce texte a des résonances sur l’ensemble des problématiques du football mondial et notamment en ce qui concerne ceux de la formation des jeunes joueurs. Et oui, dans un monde mondialisé, les défis sont mondiaux.

Souvenons nous.

Nous sommes en 1978, la sélection Argentine remporte les championnat du monde en tant que pays hôte. Avant la compétition, Cesar Luis Menotti, alors sélectionneur, doit faire face à un épineux choix de coach. Kempes est alors la figure de l’equipe, mais un jeune et impétueux garçon émerveille les spectateurs et fait chanter les stades de la première division national. Fidèle au vieux dicton, « jamais deux coq dans le même poulailler » , Menotti décide d’écarter le jeune prodige et l’histoire lui a donné raison. Mais il avait un plan pour le jeune homme déçu. L’année suivante pour le Mondial Espoir au Japon, le désormais « Flaco » Menotti demande de prendre la direction de la sélection sub20. L’argentine est une nouvelle fois championne du monde, cette fois ci chez les espoirs, lors d’un tournoi mémorable pour le peuple Argentin dont la légende dit qu’il se levait aux aurores pour voir le football que cette équipe jouait.

Dans ses rangs, au côté du jeune homme répondant du nom de Diego Armando Maradona, un certain Ruben Rossi.

Ecoutons.

ruben rossi maradonna

Essai sur les habitudes

« Face à la maladie, l’ignorant s’adresse au guérisseur qui lui prescrit du thé. Le dirigent de football fait la même chose, lorsqu’il recourre à la prétendue » technologie du progrès « , avec laquelle il accentue l’élimination du jeu et prétend augmenter le sérieux. » D. Panzeri

Que nous est-il arrivé? Quand sommes nous entrés dans cette débâcle qui submerge aujourd’hui le plus populaire de nos sports ? … Ma théorie est que tout a commencé avec une déculturation programmée et féroce qui a frappée notre « cher Football Argentin » aux mains de ces pragmatiques du résultat, insensibles et incapables d’apprécier la beauté de notre football alors que nous l’avions portée à des niveaux extraordinaires comme il existait, ici, dans les lointains jours passés.

Favorisé par les circonstances désastreuses qui furent créées, le football a généreusement ouvert ses portes à de nombreux « aventuriers » plus audacieux que capables dans tous les registres. Ainsi fleurirent davantage « d’entraîneurs que d’enseignants », davantage de « gagnants que de formateurs », davantage de « débateurs » que de veritables journalistes? Pendant ce temps, un grand nombre de dirigeants s’affairaient à rendre les clubs indigents pour que la médiocrité (mère de toute décadence) s’approprie définitivement de notre Football de tous les jours …

Et précisément de nos jours, nous constatons que dans la plupart des catégories de jeunes, personne ne semble se rendre compte que le talent est actuellement un bien rare qu’il faut renforcer, car le talent ne se crée pas, il se découvre, bien qu’on puisse le détruire. Pour cette même raison, il serait inévitable que le formateur bien formé consolide le bon joueur à base de confiance et renforce son estime de soi, car le talent ne grandit qu’en jouant, en faisant des choses ingénieuses. Sans confiance, sans estime de soi et sans liberté, les choses ne fluent pas , elles ne prospèrent pas, elles ne se consolident pas.

Malheureusement, dans de nombreux cas, dans les divisions inférieures de notre pays, le bon sens a été perdu. Beaucoup d’enfants et de jeunes jouent avec peur et angoisse, car devant la défaite, ils craignent les foudres du Coach, qui oblige (lamentablement) dans de nombreux cas, les enfants et les jeunes à rechercher la victoire par n’importe quel moyen, au prix même de sacrifier leurs propres talents, ne les laissant pas jouer avec l’assiduité nécessaire à la consolidation de leurs qualités, avec des justifications telles que « ils ne sont pas bons au parcours », « ils ne sont pas tactiquement intelligents » ou « ils ne font pas les retours » … comme si ces stupidités déclamatoires avaient fait grands les meilleurs footballeurs de l’histoire.

Ainsi, nous observons des enfants qui ne s’amusent pas mais qui souffrent, qui « ne jouent pas parce qu’ils travaillent », qui sont formés comme d’obéissants petits soldats plutôt que comme des enfants pleins de confiance en soi et d’impudence, qui se défont du ballon plutôt que de le demander car ils le voient plus comme une grenade que comme un jouet avec lequel ils peuvent s’amuser et apprendre en même temps.

Je veux clarifier mes pensées: « DANS LE FOOTBALL DES JEUNES,ON NE CONCOURENT PAS POUR APPRENDRE À GAGNER, ON CONCOURE POUR APPRENDRE À JOUER » … Bien sûr que pour apprendre, vous avez besoin de bonnes personnes, avec vocation et sensibles, qui connaissent les formes, les manières, les secrets que contient ce jeu, ceux la même que l’on découvre par l’observation directe et par l’étude, qui sont transmis avec des concepts clairs, en corrigeant et en expliquant pendant l’entrainement, car pour être un bon entraîneur, il ne suffit pas d’avoir été un footballeur remarquable, car ce serait comme si pour être un bon cavalier, il aurait d’abord fallu être un bon cheval.

Pourquoi j’insiste tant sur la recherche du résultat comme le grand mal de la formation dans le football des enfants et des jeunes de notre pays? Car dans les âges de formation, il est beaucoup plus facile de gagner que de former. Dans bien des cas, le triomphe est obtenu par un meilleur niveau des joueurs, par une meilleure construction physique ou par d’autres facteurs qui, à ces âges, peuvent être déterminants et n’ont pas besoin d’être expliqués. Mais pour aider les jeunes à « grandir », il faut une vaste connaissance du jeu et du talent des joueurs, afin de pouvoir bien identifier leurs vertus et leurs défauts, et pour savoir si l’élément évolue ou non. D’autre part, bien des fois le formateur idéal et professionnel sait « puiser » plus que « rajouter« , tout cela ne peut se faire sans cette connaissance qui « guide le jeune au travers de concepts ».

Le grand Arrigo Sacchi, le mythique entraineur de ce fabuleux Milan des trois Néerlandais a déclaré: « SANS UN BON REMPLACEMENT GÉNÉRATIONNEL, CE SPORT EST DESTINÉ À L’ EXTINCTION« , et aujourd’hui nous sommes surpris de constater que notre équipe senior ne possède  pratiquement pas cette « réserve ». .. au lieu de critiquer le choix d’un entraîneur pour les équipes de jeunes, nous devons discuter d’un nouveau « modèle » basé sur « d’anciennes pédagogies », en revenant à des entrainements qui développent la technique fonctionnelle de façon global, comme nous l’avons dit et comme l’explique le « Père » du « football total », le légendaire et merveilleux RINUS MICHEL:  » Dans de nombreux pays, vous voulez entraîner la technique séparément du jeu. Ce serait comme apprendre à nager en mettant les jeunes sur une table en leur expliquant qu’ils doivent alterner le mouvement des pieds et des mains de manière synchronisée. Nous aux Pays-Bas, on les jette à l’eau ».

Terminons avec toutes ces « méthodologie décontextualisée », toute cette « modernité du football sans éducation », arrêtons de parler avec des termes difficiles et chargés de ce « néant » né de l’ignorance, concentrons-nous sur les principes qui régissent ce merveilleux « Jeu-Art », ceux la même qui effraient (et que méprisent à leur tour) les « Analphabètes du Football« , mettons de côté les euphémismes, les noms propres et discutons sérieusement. Je crois sincèrement que le temps est venu d’un changement majeur dans tout ce qui concerne la formation. Discutons de modèles et de projets concrets qui peuvent être exposés, expliqués et qu’on puisse jugés de leur utilité.

N’abusons pas de notre génétique, car comme pour ce chien de chasse enfermé dans un appartement qui, s’il n’est pas sorti pour aller chasser assidûment, perd cet instinct, ses descendants, sa génétique de chasseur et finit par devenir un doux chien de compagnie. En dédaignant l’apprentissage spontané (1ère étape) et l’apprentissage guidé (2e étape), nos garçons deviennent des joueurs « obéissants et disciplinés », mais sans spontanéité ni créativité … des joueurs de Play Station.

Au moment où j’écris ces lignes, les mots de « FLACO » MENOTTI me viennent à l’esprit quand lors de la finale du mémorable Championnat du monde des jeunes au Japon, en 1979,  il nous dit avant d’entrer sur le terrain pour la finale contre l’URSS: « Pour moi vous êtes déjà champions pour le football que vous avez joués, mais si aujourd’hui vous gagnez en respectant ce style, cette façon de jouer, 30 ans passeront et on se souviendra encore de vous. » et pour changer, il avait raison. Le revers de la médaille, c’est qu’un membre de l’equipe vice-championne du monde lors d’ITALIE 90, alors qu’il dînait un soir, pouvait se souvenir de nombreuses formations d’équipes des années 70 mais ne se souvenait pas (et j’e met à témoin les autres convives) de ceux qui formaient cette équipe argentine en finale …il ne peut en être autrement, même si les médiocres ne veulent pas le reconnaître, cette mémoire numérique de l’intelligence se perd devant la mémoire poétique du cœur …

Nous avons besoin d’une nouvelle façon de penser basée sur de veilles idées pédagogiques qui avaient fait de nous le « grenier du football mondial », car nous alimentons avec nos joueurs les meilleures équipes de la planète. ALFREDO DI STEFANO, DIEGO ARMANDO MARADONA et LIONEL MESSI (trois des cinq couronnes incontestées de l’histoire du football mondial) témoignent de cette saine coutume que nous avions et qui était notre héritage, celle de ne comprendre le football seulement comme un jeu.

Traduit de Ruben Rossi « Essai sur les habitudes ».

équipe argentine
coupe du monde football 1979

Depuis, Ruben Rossi a occupé plusieurs postes de coordinateur des sections jeunes dans différents clubs Argentins (Union, Colon,River Plate…). Aujourd’hui, devant la crise du football Argentin, il a rejoint Cesar « Flaco » Menotti (80 ans) et Fernando Signorini (ancien préparateur personnel du 10) dans la création d’une école d’entraîneurs et parcours le pays pour retrouver ce légendaire football qu’ils avaient joué et sauver le football Argentin du marasme dans lequel il est enfoui.

Terminons avec une citation qu’il aime rappeler et qui est attribuée à Carlos Peucelle, ancienne idole de la Maquina del River: « le football est un futur métier dans lequel on entre en jouant et que l’on perd dès qu’on commence à travailler« . Et oui, comme il le dit fort justement il est une activité que l’on peut apprendre mais qui ne peut s’enseigner. Encore une fois, merci Ruben Rossi.

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