Jouer le jeu.

 

De mars à juin, tous les après midi c’est le même rituel!

Dans un endroit de la vallée du Guadiana, dans le sud de l’Espagne, voilà une vingtaine d’année, la municipalité d’une petite ville decida de construire un complexe sportif afin de promouvoir auprès de sa population l’exercice d’activités physiques et sportives. Dans cet immense projet urbanistique, le long de la longue promenade ont été installé 3 terrains extérieur de 5vs5. Et là, de mars à juin, tous les après midi à partir de 18h, c’est le même rituel.

Des enfants de tout âge déferlent le long de la promenade et se ruent sur les trois terrains qu’ils finissent très vite par envahir. En s’approchant des terrains on s’aperçoit immédiatement que les terrains sont aussi usés que les chaussures portées par les enfants. A ce moment, n’importe quel promeneur qui passerait par là se dirait:

– Mais comment vont-ils faire pour tous jouer?

Mais c’est mal les connaitre. Car voilà que le spectacle commence! Le temps de deux-trois jongles, de quelques tirs, quelques touchés de balle et un tournoi s’organise sur les trois terrains. Les décisions sont vite prises et comme il y a trop de joueurs, les règles seront simples:

– Equipes de 5 joueurs.

– Mort subite!

 

L’enfant ne joue pas, il est le jeu.

football-éducation-sport-collectif-formation

 

Loin de la folie des adultes et de leurs broyeuses institutionnelles, les enfants enchainent les matchs et s’évertuent pendant des heures et des heures, des jours et des jours, des mois et des mois, des années et des années à dribbler, à passer, à tirer, à feinter, à organiser des tactiques, inventer des techniques, à rêver, à jouer, à jouer leurs rêves.

« Immergés dans leur jeu, les enfants grandissent par delà leurs propres limites – sans même s’en rendre compte – et dans des proportions qu’ils n’approcheraient jamais si on le leur ordonnés. » Andrè Stern. Jouer

 

« Le jeu est la forme la plus elevé de la recherche. » A. Einstein.

Cruyff-football-sport-collectif-éducation

 

Devant un tel constat et face aux apports des scientifiques, quel peut être, quel devrait être le rôle des clubs et des « formateurs » de foot?

Gardons bien en tête cette petite phrase qu’ a dite un jour, de manière un peu provocante, ce petit hollandais à la tête toute blonde :
«Les footballeurs qui jouent dans la rue sont plus importants que les entraîneurs diplômés J.Cruyff#14.

Effectivement, si la créativité est liée à la prise de décision et à l’interprétation du jeu, comment pourrait-on « former » des joueurs créatifs si habituellement on pense à leur place? Aie! C’est pas plaisant à entendre. Et pire encore, quand on sait maintenant que le joueur agit avant de savoir ce qu’il veut faire.

En effet, une étude récente menée par deux chercheurs en neurosciences dans la revue Frontières in Human Neuroscience  dans laquelle est étudiée l’activité du cerveau de Neymar pendant un match,  montre que moins le joueur pense, mieux il joue.

Eiichi Naito, responsable du projet, reconnaît avoir découvert «des preuves que le cerveau de Neymar utilise très peu de ressources des régions du cerveau qui activent le mouvement des pieds». L’activité cérébrale réduite génère moins de charge, lui permettant de faire de nombreux mouvements complexes en même temps « . Ou ce qui est la même chose, moins vous pensez, mieux vous jouez. » 

 

« Etre entraîneur a plus à voir avec ne pas gaspiller le talent que de le fournir « .O. Cano

Guardiola-football-sport-collectif-éducation

 

Mais alors, si le joueur ne pense pas:
Où est la fameuse « intelligence de jeu » dans tout cela?

En réalité, la décision serait prise en fonction de ce que le joueur perçoit dans l’environnement. Et cela, il faut le prendre en compte dans tout processus de « déformation » pour que les enfants de 6 à 12 ans puissent faire emerger tout leur talent créatif. Et oui, nous ne venons pas au monde avec un cerveau programmé génétiquement ; contrairement à un muscle, il ne grossit pas grâce à l’entrainement. A. Stern.

Le plus difficile dans une formation est l’appropriation par les joueurs du jeu proposé par l’éducateur. Souvent on voit à l’entraînement des jeux, analytiques ou « globaux » où l’on voit les enfants comme incapables d’en comprendre le sens, de s’en approprier le sens. Il est alors urgent de réfléchir à la place que pourrait occuper l’adulte à l’intérieur de ses structures « formatives » pour enfin laisser place à une pédagogie en lien avec tous ces éléments, une « pédagogie » respectueuse de la nature de l’enfant, une « pédagogie » de la surprise car si le joueur ne surprend pas son maître, comment surprendra t’il son adversaire? En somme plus que d’une « pédagogie », il s’agit d’une attitude. Une attitude de l’adulte envers l’enfant, une attitude qui permet de donner le cadre, les conditions   d’accomplir la sentence biblique: je suis celui qui devient.

L’entrainement doit donc revenir au fondamentaux, aux racines, aux origines du jeu.

« L’entraînement intensif, comme celui des enfants qui jouent au foot dans la rue tous les jours entre 6 et 12 ans, est la clé pour développer ce type d’intelligence pour le jeu du futur « . José Antonio Uranga . « El entrenamiento intensivo, como el de los niños que juegan al fútbol en la calle a diario entre los 6 y los 12 años, es clave para desarrollar este tipo de inteligencia para el juego en un futuro”. José Antonio Uranga

Pour tous ces enfants le jeu en vaut sûrement la chandelle, mais qui osera prendre le risque? Le risque de jouer le jeu?

 

2 commentaires sur “Jouer le jeu.

Laisser un commentaire