« Comment pouvez-vous être plus fort en football sans jouer au football ? Si vous courez, vous vous entraînez à courir, pas à jouer au football. Si vous courez, vous serez en meilleure santé parce que merde, c’est bon pour la santé de courir. Mais ça ne signifie pas que vous serez un meilleur footballeur sans prise en compte du contexte… », Juan Manuel Lillo
300m2 est l’espace de jeu d’un joueur de football.
Ce calcul s’appuie sur les travaux de Parlebas, 2001. Il est assez simple : 20 joueurs sur un terrain de 60m x100m. ( il ne compte pas les gardiens).
20 joueurs qui se partagent ou qui s’opposent sur 6000m2 !
Pourtant la réalité est plus complexe car nous avons des espaces de jeu partagé, mais gardons cette base de calcul qui devient très interessante pour l’élaboration d’un jeu réduit.
Nous allons questionner la dimension de l’espace dans le cadre de la formation. Tout le long de cet article, nous nous appuierons sur l’étude publiée dans « Los juegos reducidos en el entrenamiento del futbol », dont la 3eme édition est parue en 2016. Notre démarche est de présenter l’apport considérable des jeux réduits dans la formation et pour l’entraînement du football : pour la compréhension de sa logique interne, pour le développement physique et technique du joueur, pour l’apprentissage et la connaissance de la tactique.
Dans l’article « l’intelligence de jeu », mon cum-frère présentait le jeu réduit comme outils de formation respectant la logique interne du football. Ici, nous allons approfondir et se concentrer sur le développement physique du joueur. Nous l’avons beaucoup répéter l’apprentissage doit être global ! Comme le jeu est complexe, la formation doit se baser sur des principes simples.
Enfin, nous voulions souligner un dernier point : il est essentiel que les phases « formation/entrainement » soit en cohérence avec les phases de « compétition/match ». L’entrainement n’est pas une succession d’exercices, de jeux, de courses. C’est un ensemble cohérent qui doit résonner avec les phases de compétition et pour le haut niveau avec le rythme d’une saison. Nous vous renvoyons aux articles « jeux du une-deux », première et deuxième passe. Le jeu du « une-deux ». (2ème passe)
Ces données sont les distances parcourues totales des joueurs professionnels du championnat italien, page 75.
A l’intérieur de ces courses et du match, « on observe 1000-1400 actions de courte durée qui changent toutes le 3-5 secondes qui impliquent une large variété de type d’actions avec ou sans ballon, feintes, changements de direction, accélérations, décélérations, sauts, tirs, courses vers l’arrière, latérales, duels.. ». Page 69.
Comment former à cette multitude d’aptitudes tout en les intégrant à des contextes ouverts où la lecture situationnelle et la décision neuro-motrice seront toujours sollicitées ?
Notre réponse est simple, le jeu réduit !
Que du jeu réduit ? Et la préparation physique ?
Premièrement, dans la formation des jeunes, nous disposons de 2 à 3 h par semaine. Quel type d’entrainement ? Pour quelle efficacité ?
Rappelons les traits de la logique interne du jeu, en d’autres mots :
Les situations motrices de bases:
- Duel collectif.
Inter-motricité simultanée.
collaboration/opposition.
Deux réseaux exclusifs et stables par équipe.
- Usage simultané du ballon.
- Séquence libre de possession.
- Espace polarisé.
- Marquage soutenu.
Petit focus sur la notion de motricité. L’approche de l’éducation physique traverse également aujourd’hui un changement de paradigme. Souvenons-nous des années 1980. Le muscle était l’organe du mouvement ! Donc, travaillons-le spécifiquement ! Les années de gloire du body building où les athlètes bien que très musclés avaient un mal fou à se déplacer! L’activité musculaire doit être prise dans une globalité du mouvement: la motricité.
Affinons l’étude sur les distances parcourues.
Distance parcourue en mètre en fonction de la position du joueur dans différentes catégories de vitesse. Page 81.
Tout se complexifie! En fonction de la position de jeu, les catégories de vitesse sollicitée varient. Si on regarde attentivement le tableau, il se dégage quatre rôles majeurs avec des types de course spécifique :
- Couverture (Central) : Le jeu en « marchant » : lecture, placement et anticipation.
- Milieu (Milieu centre) : Le jeu en « trottinant » : lecture, continuité et créativité.
- Pointe (avant centre) : Le jeu à « explosion« . Lecture, anticipation, percussion.
- Couloir ( Latéral et ailier) : Le jeu en « accélérant » : lecture, course et disponibilité.
Quatres rôles pour 3 types de course : Résistance, Vitesse, Force (accélération et décélération). On retrouve ici les trois fondamentaux de la préparation physique. Petit rappel , les quatre rôles étaient également apparus le long de l’article « Le coeur du jeu » qui traitait plus précisément du sens du jeu.
Regardons maintenant les données issues d’une étude de Kelly et col (2012). Page 111
Il se dégage le constat suivant : le jeu réduit reste très proche des entraînements physiques classiques. A en croire les auteurs, la Fréquence cardiaque est une donnée fiable de l’intensité physique de l’exercice. Ils soulignent également la controverse autours de ces recherches: les pro et les anti jeux réduits. Ils notent également qu’aujourd’hui le jeu réduit n’a pas encore été développé sous tous ses angles avec ses multiples variables afin de constituer un véritable processus de préparation physique. Et ils rappellent surtout leurs apports dans la compréhension du jeu par rapport à des exercices physiques dit classiques.
Ici, il ne nous reste plus qu’à vous proposer trois tableaux d’orientation du jeu réduit en fonction du nombre de joueurs ( ici nous reprenons notre analyse le coeur du jeu) et de l’espace de jeu par joueur. Ces trois tableaux correspondent aux trois fondamentaux de l’exercice physique : Résistance, Vitesse, Force.
On favorise le développement de la résistance en réduisant le nombre de joueurs et en augmentant les m2 par joueurs.
On favorise le développement de la vitesse en augmentant le nombre de joueurs et les m2 par joueurs.
On favorise le développement de la force en réduisant le nombre et les m2 par joueurs.
Petit travail pratique, en prenant en compte toutes ces données voici un tableau de trois jeux réduits avec leur corrélation au type de travail physique développé.
Ces surfaces correspondent à un travail pour adulte ! Il est évident qu’il faut les adapter aux aptitudes des enfants en fonction de leur âge.
Enfin, le jeu réduit, par sa « configurabilité » est un outil essentiel à la formation et à l’entrainement du footballeur.
« Pourtant, 80% des entrainements dans le football professionnel sont effectués dans des espaces inférieurs à 200m2 par joueur », Page 190 sur une analyse de 63 sessions d’entrainement, de trois catégories d’âges différentes.
Ce constat souligne tout le champs d’exploration qui s’ouvre à la formation du football.
Nous terminons avec un extrait du prologue rédigé par Pedro Gomes (préparateur physique d’Albacete, Liga adelante, Espagne.) et qui résume à la perfection l’immense incompréhension que l’on peut se faire du football.
« La Grandeur du petit »
Il y a heureusement des choses que la science ne peut, ni ne pourra démontrer. Essayer d’arracher avec des théories et des formules mathématiques l’incertitude et le devenir du jeu, c’est comme prétendre voler la saveur de la nourriture, l’odeur d’un parfum ou la passion de l’amour… Un attentat à la beauté !«
Un avis sur “L’aire de jeu.”